Il est peu de dire que la traditionnelle sortie automnale des nouveaux systèmes d’exploitation Apple suscite cette année quelques émois au sein de la communauté de l’email marketing. Ces nouvelles versions (iOS15, iPadOS15 et macOS Monterey) n’ont pas fini de faire couler de l’encre et de bouleverser les pratiques et habitudes des « e-mail marketers ». En quoi consiste exactement cette mise à jour et quelles en sont les conséquences sur l’e-mail marketing ? Quelles solutions adopter, immédiates ou plus pérennes ? Au-delà de ces questions, il serait aussi intéressant de s’interroger sur les motivations d’Apple, et probablement d’autres acteurs à venir, de proposer ces options de protection à leurs utilisateurs…
Avec cette nouvelle mouture, Apple propose une protection de la confidentialité lors de la consultation d’emails depuis son application de messagerie « Mail », et ce quel que soit le service de messagerie configuré dans l’application (outlook.com, gmail.com, orange.fr, …). Cela se traduit par une impossibilité pour l’émetteur de savoir si l’email a réellement été ouvert, ni même de localiser précisément la cible, son adresse IP étant remplacée. L’option Cloud+ propose aussi un service d’adresse temporaire (« Hyde My Email ») permettant à l’utilisateur de ne pas communiquer son véritable email. Le plus embêtant ici est que ces adresses temporaires sont sur le domaine icloud.com, rendant leur identification quasiment impossible.
De ce que nous avons pu constater à ce jour, près de 40% des ouvertures que nous détectons proviennent de terminaux Apple. La part est loin d’être négligeable et à terme, une très large majorité aura évolué vers le nouveau système d’exploitation, soit par migration, soit par renouvellement du terminal. Sans surprise, nous observons déjà que 95% des utilisateurs qui installent iOS15 choisissent d’activer la protection de leur activité email, pas si étonnant au vu du phrasé utilisé par Apple : « Souhaitez-vous protégez votre activité dans Mail ? » …
Nous allons donc assister d’ici quelques semaines à une cécité partielle des outils de reporting email, incapables de mesurer efficacement l’ouverture sur potentiellement un gros tiers de l’audience :
Au global, les statistiques ne pourront plus prendre en compte les ouvertures systématiques remontées depuis des comptes email protégés par Apple, au risque d’avoir des taux d’ouvertures démesurés ; à l’individu, l’engagement ne pourra plus être mesuré sur le critère d’ouverture ; à l’instar des tests A/B, les scénarios programmatiques basés sur l’ouverture seront à reconsidérer; côté délivrabilité, il restera suffisamment de données pour l’instant avec les comptes emails non protégés pour maintenir des indicateurs de délivrabilité fiables, par contre des problèmes se poseront à moyen terme avec les segmentations basées sur l’engagement limité à l’ouverture.
iOS15 sonne-t-il le glas de
l’email marketing ?
Au grand dam des adeptes du trépas de l’email, nous restons convaincus des atouts de ce canal de communication. L’email reste loin devant en termes de rentabilité, de simplicité d’usage, d’évolutions et d’interactions avec d’autres canaux comme le SMS ou la notification « Push ». À la tentation de « bypasser », sûrement de manière éphémère, l’option d’Apple, nous préférons acter de cette évolution et y adapter nos outils pour prendre en compte d’autres marqueurs d’engagement que l’ouverture, qui reste par ailleurs un témoin d’une fiabilité discutable. En effet, une ouverture n’est pas toujours détectée (messageries bloquant les images par défaut) et est parfois accidentelle, voire motivée par des sujets racoleurs, souvent déceptifs au final. Le clic est bien moins ambigu et témoigne d’un réel intérêt de la cible. Alors oui, le clic est plus rare et il dépend intrinsèquement d’une stratégie marketing fondée sur la connaissance client, induite ou déclarative, capable de proposer des contenus adaptés et pertinents pour chaque individu ciblé. De surcroît, des technologies telles que l’AMP pour email ou les métadonnées proposées par Schema viendront catalyser les interactions avec l’email sur une base bien plus fiable que la simple ouverture.
Et non, l’email marketing n’est pas encore mort. Dans le « Crépuscules des Idoles », Nietzsche écrivait “Ce qui ne me tue pas me rend plus fort”, cette phrase, devenue le mantra des brochures de développement personnel, peut s’appliquer aussi à l’email marketing. Ce positionnement d’Apple, qui de prime abord peut être vu comme une entrave au bon déroulement d’opérations emarketing, n’est en fait qu’une réponse donnée à des attentes de consommateurs. Excédés de recevoir des informations à outrance, ils voudraient peut-être simplement avoir leur mot à dire, sans avoir à rompre les affinités qu’ils peuvent avoir avec une marque. N’oublions pas que l’email est un canal de communication, à nous de vous aider à l’exploiter comme tel.
L’épisode iOS15, des initiatives comme l’application « Email Protection » de DuckDuckGo ou encore le positionnement de la CNIL sur les pixels d’ouverture permettront certainement à l’email marketing de gagner en maturité. La différence entre un bon marketer et un mauvais ne se situe pas uniquement au niveau des outils utilisés mais aussi dans sa capacité à tirer des enseignements et de s’adapter rapidement à un nouvel environnement.