Si une meilleure prise en compte de l’expérience client doit permettre à l’entreprise de mieux juger ses forces et faiblesses et de s’améliorer, est-il possible d’aller plus loin ? L’innovation en termes de produits et de services viendra-t-elle demain de l’extérieur des sociétés ?
« Les entreprises peuvent construire des relations plus fortes et étroites avec leurs clients en leur permettant de partager des idées innovantes et en les incluant dans leurs processus de brainstorming ». Cette affirmation est de Susan Piotroski, Directrice Amérique du Nord de Peppers & Rogers Group. Le spécialiste américain du conseil en expérience client a fait de l’innovation axée client (« customer driven innovation ») l’angle principal du dernier numéro de son journal, le Customer Strategist.
Après avoir abordé sur Smarter-Links ces dernières semaines, les points fondamentaux de l’expérience client vue par le prisme du multicanal, nous avions évoqué le sujet de l’innovation comme l’étape suivante et logique d’une démarche « customer-centric » pour l’entreprise. Dans son journal, Peppers & Rogers Group avance quelques chiffres sur le sujet qui vont dans ce sens. D’après l’enquête menée par la firme, si 48% des innovations ont pour source les employés d’une entreprise, les clients tiennent une part de plus en plus importante dans le processus. Actuellement, ils seraient même la deuxième source d’innovation (18%) avant les partenaires de l’entreprise (11%) et bien loin de ses compétiteurs (7%) ! La publication estime par ailleurs que les clients apportent avant tout une valeur autour de trois axes : l’amélioration de services existants, la création de nouveaux services et l’amélioration de produits. L’impact de leurs idées serait moindre (mais pas négligeable pour autant) sur la création de nouveaux produits et sur l’évolution des processus de l’entreprise.
Pour Peppers & Rogers, la meilleure preuve de l’efficacité des clients comme source d’innovation, au-delà de ces chiffres, reste de toute façon l’exemple donné par les leaders sur le sujet : Amazon, Apple, Google… Tous ont cette culture d’entreprise qui leur permet de mêler habilement les initiatives internes et externes afin d’innover. Exemple concret : le site mystarbucksideas.com de la chaîne multinationale de cafés Starbucks. Sur cette plateforme, les clients sont invités à partager toutes les suggestions qui permettraient selon eux d’améliorer leur expérience client. En à peine 4 ans, ce sont 250 000 clients qui ont participé à cette expérience, soumettant plus de 100 000 initiatives pour améliorer les services et produits de la firme. Si toutes les idées ne sont pas retenues (130 d’entre-elles ont tout de même été mises en place), Starbucks a toutefois apporté la preuve qu’elle savait être à l’écoute et s’emparer de sujets innovants dont elle n’était pas à l’origine (comme une application mobile pour Blackberry ou encore une fonction de « conception online de sa boisson personnalisée »).
Faire tomber les barrières pour innover avec ses clients
Le concept d’innovation portée par les clients est dynamique et dans l’ère du temps. Après tout, nous vivons à l’époque du crowdfunding où les particuliers choisissent d’eux-mêmes les produits et les services qu’ils veulent voir naître et pour lesquels ils paieront dans l’avenir. Dans ce cas, pourquoi seules 3% des entreprises pensent-elles avoir une bonne approche pour promouvoir et collecter ces idées innovantes extérieures ?
Les barrières identifiées restent nombreuses. D’après les témoignages recueillis par Peppers & Rogers Group, les premières d’entre elles sont le manque d’engagement et de volonté des dirigeants, le coût conséquent que représentent de tels programmes d’innovation et le manque de réactivité des organisations pour exploiter efficacement les nouvelles idées.
Pour faire tomber ces barrières, deux priorités :
- Faire naître la bonne synergie entre les acteurs de l’entreprise les plus à même de faire bouger les lignes autour de l’innovation (R&D, développement produit, marketing).
- Communiquer sur cette volonté d’accorder de l’importance aux idées innovantes en interne comme à l’extérieur (employés, actionnaires… mais également clients eux-mêmes, qui n’ont que trop rarement des retours sur les suggestions qu’ils ont pu apporter à l’entreprise, alors même qu’ils lui témoignent à cette occasion un intérêt précieux !)
En France, l’exemple américain commence à faire des émules. L’initiative du Groupe Auchan avec Quirky s’inscrit clairement dans cette optique. Mais pour aller plus loin, il va sans doute falloir une évolution de la culture de nombreuses entreprises. Sur des sujets aussi stratégiques pour le futur d’une société, l’inertie des habitudes et des traditions est bien souvent capable de tuer dans l’œuf les démarches nouvelles. Choisir d’innover grâce à ses clients est en effet déjà une décision innovante en soi !
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« Le client, source d’innovation pour l’entreprise ? » sera la question posée lors de la table ronde du 11 avril, au Centre Marceau (Paris 8e) : plusieurs grands patrons et tenors de la relation client à la française seront invités à s’exprimer sur le sujet. L’Hexagone a-t-il ce qu’il faut pour montrer l’exemple ?