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Le Blog Chapsvision

 Loi ELAN : bilan et perspective pour l’habitat social et l’urbanisme en France

Bilan et perspectives de la loi ELAN

Découvrez les impacts de la loi ELAN six ans après son adoption : restructuration des bailleurs sociaux, digitalisation, et revitalisation des territoires.  

Six ans après l’entrée en vigueur de la loi ELAN (Loi n° 2018-1021 promulguée le 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique), le paysage du logement social en France a connu des évolutions notables, mais reste marqué par des défis persistants. 

Conçue pour moderniser le secteur, cette législation a transformé l’organisation des bailleurs sociaux, tout en impactant la production de logements et la relation avec les territoires. 

Cet article examinera les impacts de la loi. Il se concentrera notamment sur les changements dans l’organisation et la gestion des bailleurs sociaux. 

1.    Restructuration des bailleurs sociaux : un secteur consolidé

Avant 2018, le paysage des bailleurs sociaux en France se caractérisait par une grande diversité. Plus de 700 organismes géraient le parc de logements sociaux. Ces organismes allaient de petites structures locales à des groupes régionaux de taille moyenne. Ces organismes, souvent liés aux collectivités territoriales, avaient une grande autonomie. Ils pouvaient créer des stratégies pour répondre aux besoins des bassins de vie. 

Cependant, cette organisation fragmentée présentait des limites : 

Manque de moyens financiers : les plus petits bailleurs peinaient à mobiliser les ressources nécessaires à la rénovation et au développement de leur parc. 

 - Hétérogénéité des pratiques : les méthodes variaient considérablement d’un organisme à l’autre, entraînant des disparités dans la qualité des services offerts. 

Capacité limitée d’investissement : la petite taille de nombreux organismes freinait leur capacité à répondre aux défis nationaux, tels que la rénovation énergétique ou la construction en zones tendues. 

La loi ELAN a introduit une obligation de regroupement pour les organismes hlm possédant moins de 12 000 logements. Ce seuil a poussé les acteurs du secteur à adopter une logique de mutualisation et de regroupement. 

Trois principaux modèles de restructuration ont émergé : 

  1. Intégration dans des sociétés de coordination (50 %) : ces entités permettent à plusieurs bailleurs de mutualiser leurs moyens tout en conservant une certaine autonomie locale.
  2. Fusions d’organismes (20 %) : certains bailleurs ont choisi de fusionner pour former de nouvelles entités unifiées juridiquement.
  3. Intégration dans des groupes verticaux (11 %) : quelques organismes ont rejoint de grands groupes nationaux pour bénéficier de leur expertise et de leur capacité de financement.

 

Bilan de cette restructuration :

La consolidation des bailleurs sociaux a donc permis plusieurs avancées : 

Renforcement financier : les grands groupes peuvent maintenant mieux financer des projets importants, comme la rénovation énergétique ou la construction de nouveaux logements. 

Harmonisation des pratiques : la mutualisation a réduit les coûts et amélioré l’efficacité, grâce à la standardisation de processus comme la gestion locative ou les appels d’offres. 

Cependant, des défis importants demeurent : 

Perte de proximité : les regroupements ont parfois éloigné les organismes des réalités locales, réduisant leur capacité à répondre aux besoins spécifiques des territoires. 

 - Complexité administrative : les réorganisations internes et la coordination entre parties prenantes ont créé des tensions durant la période de transition. 

Résistance au changement : certaines collectivités locales et petits organismes regrettent une centralisation perçue comme éloignée des enjeux locaux. 

2. Perspectives pour l’organisation des bailleurs sociaux

La réussite de cette restructuration repose sur la capacité à équilibrer centralisation et autonomie locale. Si les grandes structures offrent des opportunités financières et stratégiques, elles doivent préserver une gouvernance locale adaptée aux spécificités des territoires. Les acteurs de l’habitat social continuent de s’adapter à cette nouvelle réalité, marquant une évolution profonde mais encore incomplète du secteur

La digitalisation émerge comme un levier clé pour améliorer la gestion locative et renforcer la relation entre les bailleurs et les locataires. Les outils numériques permettent de créer une relation 360°, intégrant toutes les dimensions du logement : suivi des demandes des locataires, gestion proactive des réclamations techniques, et traçabilité des interventions. Ce modèle aide aussi à mieux gérer les contrats, les paiements et les communications. Il donne aux locataires un accès facile à leurs données grâce à des portails ou des applications. 

Une approche centrée sur le locataire, avec des solutions numériques, améliore l’expérience utilisateur. Elle aide aussi à construire une vision à long terme du parc immobilier. En alliant technologie et contact humain, les bailleurs sociaux peuvent mieux répondre aux besoins d’un habitat connecté. Cela renforce aussi la confiance et la satisfaction des locataires. 

3.    Urbanisme et simplification : des résultats contrastés

Malgré les efforts pour simplifier le cadre réglementaire et accélérer les projets d’aménagement, le “choc de l’offre” espéré n’a pas eu lieu. 

Les outils innovants comme le permis d’aménager multi-sites ou le permis d’innover n’ont pas donné de bons résultats. Cela est dû en partie à la pandémie et à la baisse de la construction en 2020. De plus, l’application de la RE 2020, avec de nouvelles normes énergétiques, pose des problèmes à certaines filières de la construction. Cela est surtout vrai dans les zones tendues, où un fort décrochage a été observé. 

En réponse à ces défis, le gouvernement, lors du discours de politique générale de Michel Barnier a annoncé en octobre 2024 plusieurs mesures visant à débloquer le parcours résidentiel, notamment l’élargissement du prêt à taux zéro (PTZ) et des évolutions concernant le Zéro Artificialisation Nette (ZAN) . Ces initiatives visent à soutenir le secteur de la construction et à répondre aux besoins croissants en logements, en particulier dans les zones où la pression immobilière est la plus forte. 

4.    Revitalisation des territoires : une réussite notable

En revanche, les dispositifs tels que les opérations de revitalisation des territoires (ORT) et les programmes action cœur de ville (ACV) et petites villes de demain (PVD) ont généré des résultats unanimement salués. Ces initiatives luttent contre la dévitalisation des centres-villes. 

Elles ont permis de signer 278 conventions d’ORT. Ces conventions couvrent 484 villes. Elles favorisent la création ou la réhabilitation de logements et d’infrastructures. 

En conclusion, la loi ELAN a introduit des changements significatifs dans l’habitat social et l’urbanisme en France, avec des réussites comme la consolidation des bailleurs sociaux, mais aussi des limites, notamment sur la production de logements. Des ajustements restent nécessaires pour renforcer la gouvernance locale, répondre aux besoins des territoires et intégrer davantage la digitalisation. Cette dernière, essentielle pour une gestion efficace et une relation locataire-bailleur modernisée, doit devenir un levier central pour répondre aux défis actuels. 

Cet article s’appuie notamment sur le rapport d’information de 2023 déposé par la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, qui évalue en détail les impacts de la loi ELAN et en dresse un bilan approfondi.